16 septembre 2007. Je cheminerai lentement à travers les montagnes en suivant le sentier sinueux qui me mènera à Gorkha. C’est le même sentier que je parcours depuis des décennies, et que mes parents parcouraient. Je sais que la route s’approche, avec ses camions… Et je sais que mes enfants partiront pour la ville…Pendant 13 ans, j’avais fréquenté de façon très régulière le petit village dont était originaire mon ami Amrit. Chaque année je prenais les habitants en photo. En 2007, j’avais sorti un livre de photographie dont plusieurs pages leur étaient consacrées. J’étais donc revenu au village pour leur offrir quelques exemplaires de ce livre dont ils étaient les acteurs… et les heros.Septembre 2007, dans le petit village de Khanchok, vallée de Gorka. Khanchok est un petit village sur la route de Gampesal en arrivant de Gorkha. C’est un village étape pour les porteurs ainsi que les premiers camions qui arrivaient à se faufiler dans la région. Ce jour-là, la fête de Teej permettait à certains hommes de se déguiser en femme pour simuler une danse un peu racoleuse… Les loisirs étant peu nombreux, on s’amusait comme on le pouvait…14 septembre 2007, dans un rade de la vallée de Gorkha. La guerre civile n’était pas encore tout à fait terminée. Il faisait chaud… Une rencontre devant un verre de thé, l’esquisse d’un sourire avec comme fond, sur le mur de l’arrière, une affiche de western spaghetti tournée en Inde…1995, un saddhu au Durbar square, Kathmandu…. Lui, on peut dire que c’était un vrai professionnel. Il venait tous les matins au Durbar Square pour s’installer sur les marches de la tour. Il attendait le touriste. Lorsque ce dernier sortait son appareil photo pour immortaliser les couleurs chatoyantes et le personnage qui s’était bien maquillé, il lui faisait signe d’un petit claquement de doigts qu’il allait falloir payer. Il a travaillé ainsi pendant une bonne dizaine d’années, il était assez replet pour un saddhu… Après avoir construit plusieurs maisons dans la vallée, il s’était retiré pour vivre paisiblement de ses rentes. 7 novembre 1993: Passage du Thorung La, 5416m: A 5000m je commence à avoir mal à la tête. Cela m’est bien égal, je sais que dans deux heures j’aurai atteint le but. Pourtant, vers 5200/5300 m, ma progression devient extrêmement lente. Cinq pas = une minute de pause. Mon cœur cogne dans la poitrine et je l’entends résonner dans tout mon corps. Je dois taper à 200cps/mn, mais je n’ai pas peur, car je n’éprouve aucune sensation de vertige ou de malaise. Simplement la machine refuse de continuer au-delà de cinq pas consécutifs, pourtant exécutés très lentement. Nous arrivons au but. En effet, j’aperçois tout d’un coup, devant nous, les drapeaux à prière qui indiquent l’emplacement du Chorten au sommet du col. Il me reste 200m à parcourir, sur un faux plat entre le Khatung Kang à gauche et le Yakawa Kang à droite, respectivement à 5934 et 6482m d’altitude. Nous avons l’impression que les sommets sont très proches. J’ai des ailes et je ne m’arrête plus pour souffler. Nous allons passer. Lorsque nous arrivons au Chorten, j’éclate en sanglots, et toute la fatigue, l’angoisse d’un an de craintes et de préparation à cet instant tombe au pied de ce monument de pierres, ce cairn du bout du monde. Il est 9h 25mn. Si Amrit ne pleure pas, il exulte et nous nous embrassons. Je crois que pour lui cela est aussi très important. C’est son troisième passage du Thorung. Nous posons nos sacs pour prendre quelques photos, mais je ne veux pas rester trop longtemps à cette altitude, mon mal de tête est bien là, et je ne veux pas avoir d’autres symptômes. Je suis heureux, pleinement heureux. Après quelques minutes et avoir ramassé un caillou du col, (toujours ce fétichisme latent), nous commençons la descente sur un chemin ocre, vers un paysage totalement martien, dans un cirque si vaste que nous mettrons deux jours pour en atteindre le fond. C’est dire l’immensité de ce tableau féerique. Pas un brin d’herbe, du caillou à perte de vue, cela ressemble à des photos de l’Atlas marocain en gigantesque. De plus, la descente nous met moins sous pression sur le plan musculaire, et le souffle devient plus régulier.Helambu, janvier 1999. A cette époque, j’aimais marcher dans des endroits reculés de la moyenne montagne népalaise. Lorsque je m’arrêtai dans une maison de thé pour me rafraîchir, je créais un attroupement de curieux qui venait à ma rencontre pour m’observer. Au début, cela fait bizarre, et puis on s’habitue…Janvier 1999, dans la cour d’une école dans l’Helambu. Aujourd’hui encore, les petits écoliers du Népal comme la plupart des autres écoliers du reste de l’Asie revêtent l’uniforme. C’est un parfait outil de nivellement social. Les enfants de passent pas leur temps à regarder la marque du vêtement de leurs voisins, et la connotation religieuse ne peut pas être exprimée de façon vestimentaire. Simple et efficace, j’aimerais bien voir cette pratique revenir dans nos contrées…25 novembre 2011, à kathmandu. La nuit tombe sur le marché d’Indra chok; la fatigue s’empare des commerçants qui s’assoupissent sur le stand. Demain sera un autre jour, le même. Ils se lèveront vers 7h le matin, pour accomplir quelques tâches domestiques dans la petite pièce qu’ils louent à Katmandou. Ils viendront ouvrir le rideau vers 10h le matin pour une nouvelle journée de travail.Octobre 2000, Népal. Pour m’acclimater alors que je marchais vers le camp de base de l’Everest, j’avais laissé mon sac au lodge de Namche Bazar (3800m) pour me promener sur les collines environnantes… J’avais entendu le son d’un tambour de cérémonie et des moines qui psalmodiaient des mantras. Il s’agissait de la crémation d’un moine décédé quelques heures auparavant. Je m’étais approché de la cérémonie, et partagé ce moment avec eux. Encore plus haut en altitude, comme le bois manque pour brûler les corps, on les découpe en morceaux pour que les vautours puisse les consommer plus facilement afin de faire disparaître totalement ce qui était un corps. Cela afin de faciliter la réincarnation dans un autre corps.Septembre 2004, au Mustang. Les enfants de Mes hôtes, lors d’une soirée étape.Septembre 2004 au Mustang. Mon hôtesse d’un soir, sur un périple de quinze jours.,Janvier 1999, une vieille dame de Bungamati. Ce petit village se situe ou sud-est de la capitale. Photos prises avant de tremblement de terre, qui a bouleversé totalement cet endroit1999, janvier: À même la terre battue, la maman Batharai préparait le repas dans la maison familiale à Baguwa. Les conditions de vie étaient très difficiles pour les femmes. Elles se levaient tous les matins à 3h, pour déscendre à la fontaine qui se situait une centaine de mètres plus bas avec une forte dénivelée. Tout cela pour transporter des « gagris » en cuivre remplies de 20 litres d’eau qui permettraient d’abreuver les bêtes.janvier 1999, dans le petit village de Taple, district de Gorkha: une famille, sans le père qui est parti travailler dans les émirats, comme des centaines de milliers d’autres Népalais.janvier 1999: à Baguwa, la femme du tailleur et ses enfants… Chez les hindouistes, les tailleurs relèvent de la caste des intouchables. Morsque j’offrais des bonbons aux enfants ils détendaient leur vêtement de corps pour former une cuvette qui recevraient les bonbons, afin que je n’aie pas à les toucher… Je n’ai jamais pu m’y faire…1999, dans les rues de Kathmandu… Les porteurs népalais pouvait à l’époque porter jusqu’à 110 kg de charge….5 janvier 1999, dans un petit village de l’Helambu. J’avais offert le thé à ce porteur Tamang, une ethnie courante au Népal d’origine tibétaine.14 janvier 1999, Bhaktapur, Népal: C’est une photo universelle: dans tous les endroits du monde, il y a des endroits stratégiques où les vieux peuvent se réunir afin de tailler des croupières sur les passants de passage et s’informer sur les potins de la ville. Chez moi dans mon village, on appelle cela le banc des accusés. J’avais vu les mêmes aux Açores, et bien sûr au Népal.mars 2020 Bodnath… La stupa de Bodnath est pour moi l’un des endroits les plus névralgiques au monde. Cette photo a été prise le 9 mars 2020, quatre jours avant le grand confinement… Ambiance de fuite des touristes, incertitude totale de l’avenir, et piété immuable, imperturbable des tibétains bouddhistes.8 septembre 2002, district de Gorkha… Je ne me souviens plus du nom de ce village, car j’y étais parvenu à l’aveugle en fuyant les combats entres police militaire et maoïstes de la guérilla, à toutes jambes. J’y avais passé ma nuit… Ma jeune hôtesse, après m’avoir hébergé pour la nuit, s’occupait de sa petite fille…Clic! Son regard exprimait toute la fierté d’une mère qui dans l’adversité avait su transmettre ce capital essentiel: la Vie.Septembre 2002, vallée de Laprak, Gorkha district. C’était une période très difficile, en particulier dans cette région car la guerre civile s’imposait durement. Mais j’ai toujours été émerveillé par la faculté pour les enfants d’offrir un large sourire à l’étranger de passage. Ce sont les petits cadeaux du ciel qui permettent de passer outre de tragiques réalités.